Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où, un héron au long bec emmanché d’un long cou [La Fontaine, Le Héron].

On peut ainsi distinguer un héron de loin, par sa taille, bien sûr, mais aussi par son maintien, sa démarche.  La taille impose des contraintes qu’il faut respecter faute de quoi on risque de se retrouver les pattes en l’air. Il en est de même d’une femme grande, bien que chez elle tout n’est pas en rapport avec le système métrique. Je veux parler de ce qui s’exprime dans le visage, qui peut être avenant, séduisant, donc ouvert aux autres, ou fermé. Fermé-fermé ou fermé-ouvert selon les circonstances (1). En cela une femme ne se distingue pas d’un homme. Oui, mais il est une autre partie du corps qui s’exprime bien mieux chez la femme que chez son pendant masculin et sur laquelle l’humeur a bien peu de prise. C’est l’endroit où le dos ressemble à la lune [Brassens, Le mauvais sujet repenti]. Endroit bien peu considéré en France, où on s’attarde sur la silhouette, les jambes, le décolleté – mot que beaucoup de langues ont adopté – jusqu’à la chute des reins, mais sans aller plus bas.

Les Italiens savent, eux, ce que femme veut dire et apprécient à sa juste valeur le fondoschiena ou encore lato B, le côté B ; l’expression traduit bien qu’il s’agit littéralement d’une autre face de la personnalité féminine. Inoubliable scène du Matrimonio all’italiana, où Sophia Loren fait admirer son sublime lato B à Marcello Mastroianni qui, sur le lit, hurle à la lune – justement. Les Français n’ont pas d’expression équivalente à leur disposition. Ils ont le derrière, adjectif-substantif non significatif, le cul, les fesses, paradoxalement plats, l’arrière-train, trop technique, le postérieur, qui a une connotation péjorative, le popotin, qui n’est pas très flatteur et bien d’autres appellations sans grand intérêt. Les Américains ont « butt », très expressif, qui évoque une explosion, de fait le choc qu’on ressent dans la poitrine face à un butt digne de ce nom. Explosion encore avec le maillot deux pièces, qui à l’époque a fait l’effet d’une bombe et a été appelé précisément par son créateur Bikini, du nom de l’atoll où les Américains ont expérimenté la première bombe H.  Explosion aussi bien qu’apaisement : un gros doux cul pour y poser ta tête [Cavanna, Les yeux plus grands que le ventre].

Nul besoin d’y poser sa tête pour se sentir à sa vue détendu, apaisé. Un cul magnifique, c’est Mozart, c’est L’hymne à la joie. Nous n’avons rien découvert. Sans la même musique en tête, les premiers hommes avaient le même ressenti, qu’ils ont traduit en statuettes de terre cuite toutes en fesses et en seins. Cela ne signifie pas pour autant que le cul soit nécessairement gros, pourvu qu’il soit épanoui, expansif, animé, parlant, que les deux éléments soient bien individualisées pour saluer chaleureusement les passants, de droite et de gauche, par un « Bonjour Monsieur, bonjour Madame… ».

Les généticiens nous apprennent que les caractères d’un être vivant sont souvent associés, c’est-à-dire que si l’un vient à être modifié, les autres le sont aussi. Ces liaisons sont quelquefois très surprenantes et peuvent poser d’insurmontables problèmes aux sélectionneurs. Ainsi, comme les poules pondent normalement des œufs blancs, peu attirants, on a voulu sélectionner des pondeuses aux œufs dorés, plus agréables à l’œil et plus appétissants, avec l’inconvénient qu’elles en produisent moins. Il a été impossible de venir à bout de ce dilemme, ce qui explique que les œufs dorés sont plus chers que les blancs.

Autre exemple, plus près de nous, pourquoi les rouquins-rouquines sont-ils toujours vifs et espiègles ?  Qu’est-ce qui lie ces deux caractères pourtant de nature si différente, l’un physique et l’autre psychologique, mystère.

Qu’en est-il du lato B ? Eh bien, notre lune est très parlante. Elle nous renseigne fidèlement sur le caractère de celle qui en dispose, plus exactement sur un aspect précis de sa personnalité, la sociabilité.  Des hanches larges, épanouies, nous disent que leur propriétaire est portée vers les autres, chaleureuse, généreuse, attentive à autrui. La réciproque est vraie et c’est mathématique, hanches larges = altruisme alors que hanches étroites = égoïsme. C’est même proportionnel, c’est-à-dire que la dame est d’autant plus altruiste que les hanches sont plus larges.

Ceci est à mettre en rapport avec l’accouchement. Le bassin de la femme est plus large que celui de l’homme, résultat de la pression de sélection, cruelle sélection qui a fait disparaitre, lors de l’accouchement, les femmes au bassin trop étroit, ceci depuis des millénaires, sans doute avant même que l’espèce humaine ait atteint sa forme actuelle d’Homo sapiens. Qui dit accouchement dit maternité, or quoi de plus altruiste que « l’instinct » maternel. Tout se tient (2).

 

 

  1. Très-avenante, très-séduisante quand elle [Mmede Genlis] le voulait, connaissant le fort et le faible d’un chacun, et habile à jeter ses filets sur vous, elle devenait froide et indifférente dès que vous ne répondiez pas sur le même ton à sa démonstration expansive. SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi,  3, 1851-62, p. 36 (Relevé dans le Trésor de la Langue Française informatisée).
  2. En réalité, le comportement maternel est tout sauf instinctif. Il s’acquiert, de façon inconsciente, au contact des mères de l’entourage. Il n’en reste pas moins que, une fois installé, le sentiment maternel est le plus fort des sentiments altruistes.